[Décor] EDEN – Terrain ferroviaire

Aujourd’hui, je vous propose un retour sur un projet commencé il y a quelques années, et que ce second confinement a été l’occasion de finir : un terrain présentant une gare abandonnée pour le jeu d’escarmouche Eden.

Il est très important pour moi d’avoir des champs de bataille jolis, et dans lesquels on se projette facilement. Plus qu’un jeu compétitif, je préfère un jeu de qualité, où tout est joli (même si j’ai pendant très longtemps joué sur le sol, sur un vieux tapis, avec des bandes dessinées pour délimiter le terrain de jeu ! Les décors et terrains fantastiques qu’on peut voir des les magazines spécialisés, sur le web ou dans les livres de règle des divers jeu m’ont toujours donné envie de jouer sur de beaux espaces.

Eden se joue sur un terrain de 60×60 cm, ce qui est intéressant puisque cela représente un volume de travail moins important qu’un bon vieux 120×180 ! En contrepartie, j’ai pu me permettre d’aller un peu plus loin dans la réalisation. Petit retour étape par étape !

Conception du projet

Tout bon projet commence par des croquis. Je n’étais pas fixé sur ce que je voulais représenter au départ. Eden est un jeu post-apo, ce qui laisse un bon nombre de possibilités ! Tout y est passé : Site nucléaire, avec un grosse tour de refroidissement, parking de centre commercial, immeuble abandonné et en ruine (avec des graffitis !), un jardin public avec des jeux pour enfant… ou un centre ferroviaire. Le centre commercial me tentais bien, mais j’avais pas envie de préparer des poteaux lumineux nombreux, des panneaux pubs, abris caddies… Le site nucléaire, j’aurai adoré, mais j’ai su raison garder : le refroidisseur, même partiel, aurait pris beaucoup trop de place et sur le terrain de jeu, et en terme de stockage.

J’ai donc opté pour le centre ferroviaire ! Au départ, j’avais ça en tête :

image tirée du jeu Final Fantasy VII ©Square Enix

Avec des wagons dans tous les sens. Puis ça :

Accident ferroviaire au Canada – 2013 ©REUTERS/Mathieu Belanger

Ça aurait été parfait !

Mais 60×60 c’est petit, et les deux éléments critiques quand on prépare un terrain de jeu, c’est :

  • de faire attention à l’échelle
  • de le garder jouable (si, si, je vous jure, c’est plus pratique !)

Du coup exit les wagons dans tous les sens. J’aurai pu en mettre quelques-un, mais la jouabilité n’aurait plus été aussi intéressante : peu de place pour la modularité, terrain toujours identique, monotonie, bref.

Je me suis donc concentré à reproduire un truc presque crédible, avec, pour le plaisir, une zone peu logique de rails courbes pour coller à ma première image de référence. Que j’ai bien vite choisi de dissimuler par un cratère, parce que les trajectoires de rail n’auraient vraiment eu aucun sens.

Cibler les étapes et difficultés

Deuxième étape : réfléchir à la concrétisation du projet, et aux solution pour parer aux difficultés imaginées. L’élément central de mon projet, c’est bien évidement les voies ferrées :

  • Comment faire les rails ?
  • Comment réaliser les traverses ?
  • Comment rendre compte du ballast ferroviaire ?
  • Comment bien rendre le béton ?
  • Veiller à garder tout ça jouable
LEs Rails

Est-ce que l’achat de rails est possible ? Des profilés PVC de modélisme crédibles pourraient-ils faire l’affaire ? Aucune des deux solutions ne convenaient, le 28mm est une échelle bâtarde dans le modélisme ferroviaire, qui de plus est souvent fonctionnel (ce qui ne m’intéresse pas) et onéreux (j’ai quand même entre 7 et 8m linéaire de rails !

Aucun profilé ne convenait… Ok. Ben on les imprime. Ce fut l’occasion d’acheter une imprimante 3D d’entrée de gamme, de type Prusa, reprap. Bidouiller pour apprendre, c’est bien (même si ça ne fait pas gagner du temps !)

J’ai fait mon fichier 3D, ajusté un peu la forme du rail pour qu’elle s’imprime facilement… et galéré longtemps avec mon imprimante pour réussir à les sortir, 20cm par 20cm.

Les Traverses

J’ai décidé de les mouler en plâtre. Après avoir fait un « dessin technique » j’ai taillé dans du PVC expansé mon master. Je l’ai moulé avec la technique « silicone-maïzena », et j’ai réalisé mes premiers tirages. Qui cassaient au démoulage, au niveau du centre, plus fin donc plus fragile. Qu’importe, je les arme avec des petites tiges de fer. Certains on cassé quand même, ou on été mal moulés : peu importe. Ça contribuera avec l’ambiance abandonnée et délabrée de la gare !

Production industrielle de traverses en cours ! (et photo floue)
Et avec les premières tentatives de pose, avec sur les tracés.
Le Ballast

(= les cailloux sous les rails !) Avec des graviers, cela semble évident, mais il faut que la granulométrie soit adaptée, et avec un volume suffisant pour rendre compte de l’effet « tas de cailloux », sans autre support que d’autres cailloux. Il était hors de question de coller directement une seule couche de graviers sur un support à la bonne forme : cela se serait vu et n’aurait pas convenu. J’ai donc choisi de faire es amalgames de graviers avec de la colle à bois. Et pour anticiper les éventuels (et à mon avis inévitables) décrochements de matière à l’usage, mon choix s’est porté sur des gravillons pour aquarium noirs : ainsi, même ceux des couches inférieures n’ayant pas été atteints par la sous-couche ne dénoteraient pas !

Pose des traverses et ballast :pour être sûr d’avoir le volume voulu, la première couche de ballast est sous les traverses (posées sur des pics à brochette), la deuxième couche viens à quasi niveau des ballast le long des voies, et la troisième couche, ultérieure, a été posée après les rails pour les intégrer, les maintenir (un peu) et rendre le tout cohérent et crédible.
Les premières poses, avec le tracé visible sur la base en MDF
Le Béton

Encore une fois, ce fut en cherchant à imiter que j’ai trouvé. J’ai fait un pseudo ciment, avec du plâtre, du sable, de la peinture grise (bien foncée : ça s’éclaircit en prenant). Et pour compléter, des morceaux de grille anti projection de graisse, pour simuler l’armature en fers à béton. Ça c’est pas à l’échelle, mais c’est tellement un point de détail que ce n’est pas très grave.

J’ai préparé un coffrage en Déperon (j’avais des chutes sous la main) : c’est souple, et facile à arracher si besoin. J’ai fait le fond, et mis deux bandes sur les côtés. Comme c’est fin (3mm) ça m’a permis de m’en servir comme repère pour la hauteur de « béton » à couler.

Le coffrage en déperon. J’y avais également collé du fil de pêche (les trois lignes visibles) pour avoir un marquage des lignes en creux sur ma surface finie.

Mon plâtre était vieux et foutu : en décoffrant, ça s’est fissuré de partout. C’était pas spécialement voulu, mais c’est tombé à pic. J’ai soigneusement collé les morceaux de ce gros puzzle sur le volume en polystyrène extrudé qui sert de base à mon quai : l’illusion d’un quai abandonné, fracturé et délabré est parfaite ! (et l’illusion du oui-oui c’était voulu aussi !) Idem pour les côtés. Et zou, c’est parti.

Recoller le puzzle sur le polystyrène !

J’avais coloré le plâtre en me disant pareil : s’il y a des éclats à l’usure, ça se verra moins que si je le laisse blanc. Mais au final, le résultat était tellement bon que j’ai décidé de ne même pas le peindre du tout. J’ai passé une couche de colle à bois très diluée dessus, en plusieurs couches, pour le protéger sans perdre toute la granulométrie du résultat en mettant de la colle non diluée, qui aurait complètement gommé ça.

Démoulage : tout cassé !
La granulométrie très sympa de ce vrai-faux béton fracturé !

Le reste…

Une fois toutes ces étapes franchies, il ne restait « plus » qu’un travail assez classique à produire : ajouter des zones de terre et de sable, des petits éléments métalliques pour accentuer l’effet abandonné, courber les rails (au sèche-cheveux) au niveau du cratère, ajouter des petit éléments essentiels : éclairage des quais (lampadaires « bric-à-brac » constitués d’une cheville, un pic en bambou, un bout de capuchon de stylo bic, un clou à tête bombé et une sphère modelée), des butées de fin de voie au niveau de la zone de chargement, et pour finir un panneau « Gsaadt » en l’honneur d’un copain et d’une de ses blagues récurrentes :

Les décors

Tout bon terrain de jeu a besoin de quelques décors amovibles pour ne pas avoir systématiquement la même zone d’affrontement. J’avais de grands projets, j’ai vu petit pour les première réalisations : des barricades de fortune, des empilements de traverses intactes et ruinées, quelques plaques de tôle ondulée maison pour servir de rampe et accéder aux quais plus facilement. Un tas de tuyaux/bombonnes de produit radioactifs (composé de GROSSES chevilles, et d’ampoule de complément alimentaire récupéré il y a fort longtemps, et un tas de ballast inutilisé.

Pour la suite, ce sera donc un wagon, parce que bon, j’ai pas pu en mettre plein sur le terrain, mais il m’en faudra quand même au moins un ! J’ai commencé à le bidouiller en scratch, mais il fera l’objet d’un autre article 😉 Il est d’ores et déjà aimanté au niveau des bogies (pour avoir plus de souplesse lors du placement) et le sera pour la cuve, afin de pouvoir alterner entre citerne intacte, et citerne explosée… voir même, pourquoi pas, écrire un scénario où la citerne explose à un moment !

Les photos-finish

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Vue de dessus
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La zone de gravats
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Le cratère, et sa conduite éclatée qui donne une zone humide
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Vue sur les lampadaires bric-à-brac

Et deux photos avec une figurine pour l’échelle, il s’agit de Lilith de la faction des Anges de Dante, sculptée par le talentueux Graphigaut (un régal à peindre !)

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Et pour finir un petit souvenir de la période où ce décor a été fini (avec en prime le panneau spéciale dédicace) :

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[Sculpture] Le Démon du Lac aux Papillons

Le Démon du Lac aux Papillons

C’est le « Grand Méchant » de la Saga de mes Lépreux-Chevaliers. Celui qui renaît après avoir longtemps attendu, banni dans les détails du monde, insignifiant et sans pouvoirs. Mais certains artefacts, dont La Pourvoyeuse, le Calice qui a provoqué la déchéance d’Ulfrik et des chevaliers l’ayant suivit.

Les agissements du sorcier lui ont permis de s’éveiller à nouveau à la conscience, de reprendre des forces, et enfin à se re-matérialiser (Acte III : la Rodomontade de Sire Grégoire). Il lui fallait au moins deux figurines ! La première le représentait en cours de matérialisation, durant l’Acte III. Sa forme, spectrale, gagnait en constitution à force de sacrifices et d’offrandes sanguines.

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Le Démon du Lac aux Papillons, version initiale

Un démon ayant retrouvé toute sa puissance ne se contenterai pas d’une forme si peu imposante. Surtout après si longtemps passé banni ! Lors de l’Acte IV, le Démon a retrouvé sa puissance, et vient défier le sorcier qui l’a réveillé, s’est repenti, puis s’en est détourné, et le pousse à fuir, Ulfrik étant dépassé par sa puissance. Il lui fallait une forme digne de lui !

Je me suis donc attelé à créer une figurine digne de lui ! C’était l’occasion de tenter une sculpture intégrale… ou presque, je n’ai pas eu le courage (ni les compétences) de sculpter le nuage de mouches !

Étape 1 : concept et références

Toute figurine – surtout de cette envergure – commence par des recherches. J’ai une idée de base, ou pas, et je fouille sur le web, dans mes connaissance ou des bouquins des illustrations, photos, concepts… Les inspirations peuvent venir de tous horizons ! Toutes ne se retrouvent pas dans la figurine finale, mais peuvent avoir une influence dans le développement, ou par un certain aspect uniquement.

Celle-ce ne fait pas défaut. De cette magnifique figurine semi-féminine à ailes de papillon découverte pour le Parade Day 2018 (photo ci-dessus), aux sculptures de Vénus préhistorique, de nombreuses images m’ont nourrit avant d’en arriver au premier croquis :

Croquis préparatoire, avec courbes de volumes
Et l’armature de la bestiole… un exercice pas facile du tout !

Très marqué par le démon cité ci-dessus, je me suis fixé sur un personnage féminin. C’est d’autant plus pertinent que pour ces anciens dévots de la Dame du Lac, on peut le justifier de deux façon : ou le démon prend s’amuse à parodier leur ancienne divinité, ou les chevaliers le voient tels qu’ils le souhaitent, et donc avec un résidu de leurs anciennes croyances (qui ne sont pas toujours reniées pour certains !) C’est Nurgle, je voulais du sale, et glauque. La présence de bois était aussi dans mes critères, et cette matière sera tout d’abord intégrée grâce au bâton, puis grâce à l’arbre, composante majeure du socle de la figurine, mais venu très tardivement. Le bâton, au passage, reprend grossièrement l’image d’un caducée avec ce gros ver.

C’est parti pour la sculpture !

Une première couche d’accroche en résine verte, permettant et sculpture en Fimo Classic pour les gros volumes, et en Fimo Doll pour les surfaces et les détails.

Au menu des plis et des replis de gras, de peau. Pour le traitement de surface, j’allie de grandes surfaces lisses pour laisser libre cours au travail de la carnation lors de la peinture, et es zones très texturées (gerçures sur les fesses, plaies ouvertes, bubons et pustules, multiples replis de la jambe gauche…

Penser la peinture dès la sculpture est très important, je m’en suis rendu compte au fur et à mesure de mes conversions et sculptures plus ou moins totales. C’est d’autant plus facile quand c’est une figurine qui nous est destinées, puisqu’on a déjà une idée du résultat voulu, et qu’on connait sa façon de peindre ! Toutefois, il faut penser un peu tout : l’accès du pinceau, bien délimiter les zones, (à l’aiguille parfois), varier les texture tout en gardant l’ensemble cohérent… Quelque part, le travail de peinture de cette figurine a vraiment commencé dès la sculpture puisque les zones sanglantes ont été placées vers le bas pour garder le haut (buste, épaules), plus neutre, plus libre dans les choix de couleurs.

Au départ, le démon devait être très féminin, et j’avais prévu une tête dans cette logique. Mais plus ça avançait, moins ça me plaisait. Au final, j’ai supprimé la première tête sculptée (geste qui m’a coûté beaucoup, il y avait déjà un bon bout de temps passé dessus).

Mais ça ne me plaisait pas… et je n’étais pas satisfait du rendu féminin du visage. Compliqué, très compliqué ! Finalement, après avoir cherché et fouillé, je suis parti dans une direction complètement différente, avec une gueule béante inhumaine, et démesurée, le crâne de cervidé faisant office de tête et mâchoire supérieure, là où sur la version 1, c’était plutôt une coiffe (trop petite)

Les ailes, pour finir, ont été basées sur celles du kit de mouches géante Games Workshop. J’ai repris la forme sur du papier mis un fil de fer d’armature le long des côtes plus dures, et plaqué la pâte Fimo directement sur le papier, pour qu’elle accroche bien. Sculpture recto, cuisson, sculpture verso, recuisson, fignolage jonction recto/verso. Et j’ai été surpris de m’en sortir aussi bien à vrai dire ! Une grosse cloque a poussé à la cuisson (en bas, aile de droite), mais bon, si ça aurait sans doute posé problème pour une Alarielle, la mienne a suffisamment de boursouflures pour ne plus en être à une prêt !

Et pour l’anecdote, histoire de faire feu de tout bois : les petites dents du ver sur le bâton, ce sont des trucs récupérés dans les ventouses d’un tentacule de poulpe… J’en ai récupéré une trentaine, de toutes tailles (de 3mm à 8mm de diamètre), et j’en suis fort mari.

Le socle

Le socle, c’est la moitié de la figurine. Et je les aime travaillés ! Pour celle-ci, ce sera un arbre, lui-même déformé et purulent. Inspiré d’un arbre de Nurgle trouvé sur le web, et que j’ai beaucoup apprécié. Deux panneaux me permettent de l’inclure dans l’univers d’où il vient : un GR amenant au Lac aux Papillons (pas sûr de vouloir randonner sur celui-ci !), l’autre sur Gisoreux. Des dizaines de petites larves issues du démon se répendent sur le sol, pour lier la figurine à son socle, et c’est partit pour la peinture !

[Figurine] Akshan

Akshan-Face
Akshan-assemblage

English below

Première figurine de cette bande peinte, et premier exercice de style pour coller au mieux aux figurines de seigneurs du chaos peintes par Anà – The Painting Mum.

Donner une ambiance maritime collait plutôt parfaitement à ces figurines du très bon jeu Eden, représentant des guerriers d’une cité sous-marine (qui peuvent, certes, venir sur la terre ferme… Y compris leurs bestioles aquatiques… Passons sur l’aberration !)

Pas de conversion sur ces figurines, le travail constitue en peinture, et en préparation des socles. J’ai beaucoup tâtonné pour trouver les couleur, et essayer de reproduire celles de mes figurines de référence, ce qui était tout l’intérêt d’un tel exercice (en plus d’avoir une bande qui claque !) Je suis assez content du résultat obtenu, bien que je n’ai pas la compétence pour pousser le travail aussi loin que je l’aurai aimé. Les pré-ombrages et les motifs avant colorisation de certaines de ses figurines, c’est pas encore pour moi !

Akshan a été peint à l’occasion d’un concours sur le Warfo, je n’ai pas pris le temps de prendre des photos de travail en cours, mais je le ferai prochainement, avec tuto à la clé !

Merci à Ana pour ston travail magnifique, une vraie source d’inspiration !

First painted miniature of this warband, and first exercice in style to try to paint it like Anà The Painting Mum‘s lords of chaos. To give a submarine theme to those minis (from the very good game Eden) was the good thing to do, as they figure warriors from a submarine city, and their submarine pets…

No conversions on those minis, only painting and base preparation. I tryed many things to obtain a result quite similar to my reference. The very point of an exercice of style (and of course having a cool warband !) I’m quite proud of the result, even if I’m not skilled enough to go as far as I would have wanted to. Shading and patterns prior to coloration, this is not yet for me.

Akshan was painted for a challenge ont the french Warhammer Forum, and I did’nt took the time to take WIP pictures… I’l do this for following Sagaariens miniatures !

Many thanks to Ana for her wonderful work, it’s a inspiration to me !

[Récit] Acte IV : Épilogue

Le démon du Lac aux Papillons bouillait d’impatience. De longues années d’errance immobile piégé qu’il était dans les reliques du lac l’avaient rendu irascible au possible. Les malheureux à qui il devait son salut lui avaient soit juré allégeance, soit étaient tombés sous sa coupe bien malgré eux.
Il lui avait fallut de nombreux mois pour émerger de sa gangue éthérée, pour reprendre ses forces et acquérir la matérialité nécessaire en ce monde pour agir à nouveau de son plein gré.

Le sorcier à qui il devait les premières étincelles de son éveil s’était dressé contre lui, il avait sans doute perçu le danger qu’il représentait pour sa communauté. Un lâche parjure. Ce mage de pacotille avait joué avec des forces dépassant son entendement. Ils avaient un temps servi le même maître, mais cet humain s’en était détourné.
Le démon avait entrepris de récupérer les suivants d’Ulfrik, mais celui-ci avait réussi à tisser des liens aussi solides qu’improbables dans sa communauté de réprouvés. Beaucoup avaient résisté à son emprise, ce qui l’avait fait enrager encore plus que de normal. Il avait cependant réussi à exercer son influence sur une bonne partie d’entre eux, et avec leur soutient, par une journée morne, avait mis à sac la communauté pestiférée de Violecée-la-Plaine.

Ulfrik n’était pas dupe, et il savait que le combat était perdu d’avance. Plutôt que de chercher à lutter, il avait préparé sa retraite, et entrepris de protéger de sa magie ses suivants les plus fidèles, ceux animés des meilleurs sentiments envers leur communauté, et dont il savait que leur présence serait utile à leur survie.
Son plan était prêt, il ne restait plus qu’à le mettre à execution. Lorsque le démon passa à l’acte, il activa le sortilège qu’il avait mis de longues semaines à tisser, et s’enfuit avec ceux qu’il avait pu sauver vers le littoral de Bretonnie, direction la Baie des Selkies, ou un navire de la marine du Roy Louen faisait une escale forcée après avoir rencontré une tempête au large. Cela serait leur sauf-conduit.
Un billet vers de nouveaux rivages, loin du Démon du Lac aux Papillons.

[Récit] Gloire à Ma Dame

Puisses-tu toujours me guider,
Puissé-je toujours te servir,

Ô ma Dame
Toi qui éclaire mon chemin
Toi qui illumine mon esprit
Tu es l’étincelle qui tue la peur
La Flamme qui illumine la nuit
L’amour qui guide mes pas

Ô ma Dame
Permet moi de t’approcher,
Permet moi de te regarder de mon esprit nu
Et accorde-moi, ô ma Dame,
De toucher de mes doigts ton corps sacré
Et de tes fluides m’oindre

Ô ma Dame
Toi qui m’a choisi,
Accorde-moi la Grâce,
Accorde-moi ton Graal,
Que de mes vœux j’appelle
Que de mon être impatient j’attends

Ô ma Dame, ici je suis agenouillé,
Prêt à recevoir ta bénédiction
Ici je resterai
Jusqu’à ma mort

Ou mon sacrement

[Récit] Réunion Secrète

Le feu crépitait dans un recoin de l’abbaye de Violecée-la-Plaine. La nuit était avancée, et dans la noirceur de celle-ci, les quelques brindilles qui flambaient semblaient être un soleil au milieu du néant, illuminant colonnes, débris, poutres et la cabane de bric et de broc qui faisait la « demeure familiale » de Énieul du Chêne, ex-Seigneur de Castel-Graal, et premier parmi les suivants d’Ulfrik.
Il se leva du torse de statue brisée qui lui servait de siège, et, faisant le moins de bruit possible, entra dans son cabanon. Il jeta un œil à sa nouvelle épouse, une paysanne qui avait su toucher son cœur desséché et égaré. Son esprit simplet était aveugle et elle ne semblait pas avoir remarqué que Sire Énieul n’avait plus sa raison depuis bien longtemps.
Après quelques secondes d’hésitation, il ceint sa lame au côté gauche, et enfila son énorme veste de cuir, puis sortit sur la pointe des pieds.
Ce soir était un grand soir.
Il allait renaître.

La nuit était fraîche, et le ciel étoilé. Le chevalier déchu pris une inspiration profonde. L’air froid chargé des odeurs de l’hiver approchant s’infiltrat avec difficulté dans ses narines obstruées de bubons douloureux, lui apportant un brin de lucidité. Il prit d’un pas vif la direction de l’ancien moulin de Violecée, où Isabelle de Barbouin-Bestu avait établi son domaine.

La roue à aubes reposait brisée et à moitié carbonisée dans le cours d’eau jouxtant la demeure, le moignon d’axe pourrissant dépassant du mur de pierre. Le toit avait été réparé avec les moyens du bord : bardeaux, chaume… Aucun des membres de la communauté ne savait faire ça, mais un petit groupe composé du Jean, du Charles et même de Messire Edmond le Bon s’était dévoué à cette cause, et avait entrepris de réparer du mieux qu’ils le pouvaient les toits des bâtiments utilisés. Et ils y étaient plutôt bien parvenu, puisque personne ne se plaignait d’infiltration d’eau démesurées. Quelques gouttes lors des fortes pluies, mais rien que de très normal quand nul ne pouvait se permettre d’avoir un toit de tuiles ou de lauses.


Énieul s’arrêta devant la porte et toqua discrètement. On vint rapidement lui ouvrir, et il entra dans la pièce réchauffée par un feu de bois crépitant. Le serf de Madame de Barbouin-Bestu s’écarta la tête penchée pour le laisser passer, mais Énieul ne lui accorda même pas un regard, et sans attendre l’invitation de la maîtresse de maison, alla s’installer sur un des lourds fauteuils près de la cheminée.

Il jeta un coup d’œil aux alentours. Il n’avait jamais eu l’occasion d’entrer ici, Barbouin-Bestu étant très solitaire et très protectrice de ses prérogatives, peu de membres de la communauté d’Ulfrik avaient eu l’autorisation de pénétrer sa demeure. Ce n’était certes pas un château, mais c’était assez bien aménagé et confortable. La dame était d’un goût certain, apprécia le chevalier, qui soudain pris d’une crise d’urticaire se mis à se gratter frénétiquement les avants bras. La dame de maison arriva et le salua d’un ton froid.

« Bonsoir Énieul. Vous êtes en avance. »
« Madame », salua ce dernier en esquissant une révérence, à demi relevé de son fauteuil. « J’eusse espéré un accueil plus chaleureux ! »
Elle ignora superbement la remarque déçue de son interlocuteur et se détourna pour ordonner d’un geste vif à son domestique d’apporter des boissons et une collation.

Après une dizaine de minutes qui pour Messire Énieul du Chêne semblèrent des heures, mal à l’aise et outré de sembler si insignifiant à cette dame, qui ne lui adressa pas une seule fois la parole, une autre personne toqua à la porte. Le domestique légèrement vouté se précipita pour aller ouvrir. Trois anciens seigneurs de Bretonnie firent leur apparition dans la pièce.

« Énieul ! » s’écria Édouard de la Dent en écartant les bras du mieux que lui permettait sa corpulence volumineuse. Il se précipita pour serrer son compagnon de quête dans ses bras comme si cela faisait des années qu’ils ne s’étaient pas vu. Énieul n’appréciait pas cet étalage d’affection, mais il rendit son étreinte à Édouard, heureux malgré tout de la voir, puis jaloux en voyant le large sourire qu’il échangea avec Isabelle en allant la saluer. Tous deux avaient toujours été très proches, au grand dam d’Énieul. Vinrent ensuite les frères Blachbouq, Messire de Valroux, et Vassily de Vives-Épines. Un silence prononcé s’installa à son entrée dans la pièce. Tous savaient la raison de sa présence, mais aucun n’était à l’aise ni avec lui, ni avec le fait qu’un des Sept soit présent au cœur de Violecée-la-Plaine. On les y voyait rarement. Ils s’étaient installés en bordure, et restaient généralement entre eux. Mais depuis quelques temps, ils semblaient vouloir se rapprocher des habitants du hameau sans en avoir réellement envie. Une distance étrange restait entre eux et les membres de la communauté, même ceux dont ils étaient les plus proches.
La porte se referma dans un grincement discret.
La réunion allait pouvoir commencer.

[Récit] L’arrivée des 7

Cela avait commencé par des rumeurs. De simples racontars de paysans et de gueux auxquels ni Ulfrik ni les chevaliers qui le suivaient n’avaient prêté attention. Leurs suivants de moins noble stature et d’éducation limitée, par contre, avaient multiplié les prières dès les premiers soupçons.
Le Lac aux Papillons et ses terribles habitants avaient fait parler d’eux bien au-delà des frontières de leur forêt.
Puis, un chevalier de Brionne se lança dans une quête pour les éradiquer. On découvrit son cadavre mutilé et exsangue dans une bourgade proche de l’étang. Ce jour-là, Ulfrik eut un mauvais pressentiment. Et si des années de sorcellerie plus ou moins empirique lui avaient bien appris une chose, c’est qu’en matière de magie, les pressentiments et toute autre forme d’intuition n’étaient pas à prendre à la légère.

Puis au bout de quelques longs mois, les rumeurs cessèrent brutalement. Plus d’enlèvements, plus de macabs exsangues trouvés au détour d’un chemin, plus rien. Les villages en liesse fêtèrent dignement la fin d’une période de terreur, et aucun évènement malheureux ne vint perturber leur légèreté. C’est à ce moment-là qu’Ulkrik commença à être effrayé pour de bon. Pas parce que des tueries avaient cessé non loin de là, mais pour ce que cela voulait dire. Le mal ne disparaît pas d’un claquement de doigts ni sans raison. Il en savait quelque chose. Si les tueries avaient cessé, c’est parce que ce qui les perpétrait était parti ailleurs. Et Ulfrik sentait que quoi que cela soit, cela venait à Violecée-la-Plaine. Il en était convaincu. Intimement convaincu.

Il ordonna sur-le-champ d’inspecter les maigres défenses mises en place par sa communauté et de les améliorer immédiatement du mieux possible. Devant l’inquiétude de leur seigneur, les membres de la communauté ne discutèrent pas un ordre bien plus direct que ceux auxquels ils avaient été habitués jusque là. Ulfrik s’enferma pour le reste de la journée dans la bibliothèque, comme il le faisait à chaque moment de crise. Il y trouvait sérénité et apaisement, nécessaires à sa médiation. Féru de lecture, il trouvait bien souvent la solution à ses problèmes en feuilletant un ouvrage au hasard.
Les maigres barricades, qui servaient plus à délimiter l’espace commun de l’espace extérieur, furent renforcées de pieux, de rocs et de débris de maçonnerie. On vérifia la stabilité des quelques miradors bricolés sur les seconds étages des habitats toujours à l’état de ruine, et on piégea la zone avec des méthodes rudimentaires, mais toujours efficaces. Pièges à ours, fosses et pieux enterrés… à la fin de la journée, quelques petites surprises attendaient d’éventuels visiteurs aux endroits stratégiques.

C’est le lendemain qu’ils arrivèrent. Les pressentiments d’Ulfrik s’étaient faits de plus en plus précis, et pressants. Il avait eu la nuit des rêves éveillés d’une clarté qui le laissait encore tremblant. À l’aurore, il avait quitté sa retraite au milieu des ouvrages anciens, de la poussière et des chandelles de suif pour aller se placer à l’entrée nord du village. Il s’assit sur un tonneau éventré qui gisait là, et se mit à attendre.

Quelques-uns de ses fidèles les plus matinaux l’avaient rejoint en silence. Une tension palpable planait au-dessus du hameau. Les plus modestes de la communauté avaient cessé leurs activités, et, le corps agité de tics nerveux, sursautaient au moindre croassement de corbeau, et à la moindre herbe soufflée par le vent.
Des bruits de sabot se firent entendre. Ils provenaient de la forêt toute proche, en direction du sentier. Sans être particulièrement bruyants, nul ne pouvait douter que les choses approchantes n’essayaient pas d’être discrètes. Un hennissement retentit, suivit par deux autres. À travers la brume matinale, ils aperçurent une poignée de cavaliers. Des chevaliers du Royaume de Louen Cœur de Lion. Sept, pour être exact. Non, six. Le septième avançait sur un étrange chariot à voile. En l’absence de vent, un de ses compagnons avait attelé cette étrange chose à sa monture, qui visiblement peinait à suivre le rythme des autres équidés.

La troupe approchant ne semblait pas menaçante, mais un curieux sentiment se dégageait de celle-ci. Les compagnons d’Ulfrik oscillaient entre malaise et soulagement, sans qu’aucun ne puisse dire pourquoi.
Un des chevaliers qui attendait avec le sorcier de Violecée-la-Plaine eut un hoquet de surprise. « Monseigneur… à moins que mes yeux ne me trompent, ou que ma mémoire ne me fasse défaut, à la vue de ces armoiries si particulière, je peux vous affirmer que je connais au moins une des personnes approchant, il s’agit de Messire Jolinard, un des proches du Duc Grégoire ! »
À cette annoncent tous se raidirent. Si les chevaliers du Royaume de Bretonnie entraient dans Violecée, il fallait s’attendre à un combat féroce.
Ulfrik ne s’émut pas de cette remarque, et en grogna entre ses dents : « laissez-les entrer. »

Lorsque les chevaliers atteignirent les barricades, ils ne firent pas mine de s’arrêter, et poursuivirent leur chemin jusqu’à la place centrale. Les yeux ébahis, les habitants du village les regardèrent passer : croulants, malades à en crever, certains infestés de bubons et de mouches, ils faisaient pitié à voir, mais aucun ne doutaient qu’il ne s’agissait pas d’ennemis, mais bien de leurs alter ego.
L’un des chevaliers stoppa sa monture en face d’Ulfrik. C’était celui avec la plus haute stature, et une aura fondamentalement malsaine irradiait de son corps. Lorsqu’il ouvrit la bouche, tous eurent le sang glacé au timbre de la voix, qui n’avait rien d’humain.
« Où logerons-nous ? » demanda-t-il d’une voix aussi stridente que basse, aussi grave qu’aiguë.
Ulfrik leva les yeux et soutint son regard perçant.
« Vous n’êtes pas les bienvenus ici. Toi, du moins. Va-t’en, démon. »
Le chevalier eut un gloussement, et répondit dans un sifflement méprisant :
« Nous n’avons fait que suivre ton invitation. Je pourrais presque te considérer comme mon père en ce monde ».
« Bien à mon insu. Vous n’êtes pas les bienvenus ici. Vous logerez en dehors de l’enceinte du village. Il y a une masure délabrée de bûcheron, à quelques dizaines de mètres. Vous avez dû la croiser en arrivant. »

Le chevalier possédé par le démon sourit de toutes ses dents. Briser Ulfrik allait être un jeu amusant. Puis il prendrait le commandement de cette troupe de bric et de broc. Il laissait son imagination vagabonder parmi les possibilités que cela lui offrirait pendant quelques instants, puis fit demi-tour et partit en direction de la bâtisse en ruine. Ses compagnons firent de même sans qu’aucune parole n’ait été échangée, ce qui en laissait supposer long de l’emprise qu’avait sur eux le Démon du Lac aux Papillons.

[Récit] Des Démons

Si nos contrées ne les connaissent pratiquement que de légende, des racontars de soldats revenus des fronts du nord, ou, en de très rares occasions, par leur apparition sous nos latitudes, les démons sont bel et bien une réalité. Et j’insiste sur « une » réalité, car venant d’un autre plan, ils n’appartiennent pas vraiment à la nôtre.
Il existe une infinité de démons différents, car ils naissent de nos noires pensées ruminées et inavouables. Certains spécialistes estiment que chacun d’entre nous serait responsable de la naissance de plusieurs démons. Tout comme les elfes, les nains et autres créatures reconnues intelligentes – même les orques dans leur primale pensée ! Cela représente donc un nombre incalculable d’entités, le plus souvent néfaste, bien que cela ne soit pas systématiques. Je cite (brièvement, car là n’est pas notre sujet) les recherches de l’Étude Icelienne, qui assimile les démons et certaines formes de divinités à la même catégorie d’êtres.


Parmi ces millions de démons, chacun est une entité propre, et aussi simple que complexe. Complexe car elle est un miroir de l’être qui l’a créée. Simple car ce miroir accentue très nettement un seul de ses traits de caractères, caricaturant l’être originel. Ces démons, forts heureusement, ne naissent pas dans notre plan. Leur essence s’assemble ailleurs, dans un espace-temps nommé le Warp, et laisse tranquille le monde – notre monde – des vivants.

Alors pourquoi arrive-t-il d’en croiser ? À quoi sont dues ces invasions que relatent les récits guerriers ?Nul ne le sait vraiment, et les recherches sont toujours en cours. Par contre, il existe deux moyens pour un démon de se matérialiser dans notre monde : avec un support physique, ou sans support physique. Un support physique facilite nettement la venue de l’entité dans notre réalité : son essence a juste à envahir la matière concernée. Nous parlons de possession lorsqu’il s’agit d’un corps vivant, ou d’enchantement – bien que biaisé soit ce terme – lorsqu’il s’agit d’un objet inanimé. Par objet inanimé, nous pouvons y associer les cadavres, auquel cas nous parlons couramment de réanimation, bien que cela soit en tout point un enchantement tel que sus-cité. Cette dernière forme est la plus courante des invasions démoniaques dans nos contrées, en témoigne les nombreux heurts avec les lisières de la Sylvanie honnie. Lorsqu’un démon apparait sans support physique, nous parlons alors d’incarnation.

La différence fondamentale entre Possession et Incarnation se trouve dans la liberté du démon à agir à sa guise, et sa stabilité dans le monde physique. Une possession (ou un enchantement) nécessite une intervention extérieure : le démon doit être appelé dans le corps par un esprit présent dans notre monde : magicien, vampire, ou autre démon, par exemple. Cet acte est pour lui bien plus aisé qu’une Incarnation (intérêt majeur d’une Possession), et surtout, bien plus sûr : un démon enfermé dans un objet sera plus docile (intérêt majeur d’un Enchantement.)

Extrait du Liber Horribilus, Chapitre IV-3 §421, ouvrage de la bibliothèque de Violecée-la-Plaine

Ulfrik releva la tête de l’ouvrage qu’il feuilletait à la recherche d’informations. Depuis la veille, quelques uns de ses fidèles avait détourné leur esprit de la communauté. Ils restaient auprès du Démon du Lac au Papillon, le suivant partout, semblant égarés et perdus, comme des phalènes tournoyant désespérément autour d’une lanterne la nuit. Il rumina un instant. C’était mauvais signe. La situation lui échappait depuis que le démon était apparut avec sa troupe de chevaliers pour rejoindre sa communauté. Et depuis hier, il en était maintenant sûr, le démon commençait à tirer certains de ses semblables des limbes du Chaos et les envoyait hanter le corps et l’esprit des membres les plus faibles de la communauté. Tout n’était pas pour autant perdu : s’il procédait ainsi, c’est qu’il n’était pas encore assez puissant pour les incarner sans support physique. Ou que les sortilèges lancés par Ulfrik l’en empêchait efficacement.

Mais comment n’avait-il pas sentit venir la renaissance du démon, à quelques lieues à peine de leur campement ! Il se fustigea une énième fois pour son manque de vigilance, et, le cœur serré à l’idée qu’il était responsable de l’arrivée de ce démon dans ce monde.

Il n’avait jamais voulu ça.

[Récit] La Quête de la compagnie de Grégoire – Épilogue

Le Démon du Lac aux Papillons avait été convoqué en ce monde de façon non intentionnelle par les agissements d’Ulfrik et de sa bande. Tiré des limbes, son esprit s’était lié à cet ancien lieu de culte chaotique, « purifié » depuis des centaines d’années par les vertueux chevaliers de la Dame. Sans substance, sans force, et incapable de s’affranchir de son lien physique avec le lac, il avait seulement été capable d’influer des esprits. Le Duc Grégoire et son esprit fragile, hanté par ses fantômes avait fait une victime parfaite. Lors de leur rencontre au Lac aux Papillons, il avait pu pénétrer profondément dans l’esprit du duc. Plus profondément que nécessaire pour le contrôler. Il en avait fait sa marionnette, et il en avait fait de même avec ses compagnons.

Il avait besoin de leur aide. Il avait besoin de sang. Oh non, pas le leur. Cela ne suffirait pas. Il en fallait plus, versé dans une antique vasque gravée de runes impies qui avait échappé à la destruction voilà des siècles. Enfouie dans la vase, elle avait attendu d’être à nouveau utile. Et le Démon, grâce à elle, allait pouvoir très bientôt se concevoir un corps, et accéder à la matérialité physique d’un monde qui pour le moment encore résistait à son intervention.

Les environs du Lac connurent des jours sombres. Les disparitions se firent plus nombreuses. Jeunes hommes, vieillards, enfants, paysannes comme bourgeoise, personne n’était à l’abri. Les quelques tentatives de retrouver quelqu’un s’étaient simplement finies par quelques disparus de plus : les courageux partis à leur recherche.
La rumeur d’une troupe de chevaliers renégats se répandit.

Ainsi naquit la tristement bien-fondé rumeur du Lac aux Papillons, et de ses terribles occupants.