[Récit] Sire Énieul du Chêne

Sire Énieul est celui qui a été le plus brutalement touché par la corruption du Calice : en effet, son esprit s’était peu à peu affaibli sous l’emprise d’Ulfrik tout au long du voyage. Ses ritournelles magiques avaient laissé une seule ritournelle dans la tête du Seigneur du Chêne : « Je suis Messire Énieul du Chêne, et je cherche le Saint Graal au nom du Roi et de la Dame. » On pourrait estimer là que chacun des chevaliers du Royaume pense de la sorte, mais lorsque cela obnubile toute forme de raisonnement, et annihile la capacité de jugement, on n’imagine que difficilement ce qu’il en est vraiment.

Car si cet esprit réduit à son plus simple appareil faisait bonne figure en tant que chevalier de Bretonnie, c’est après sa corruption que le désastre s’est étalé au grand jour. Lorsque son esprit commença à se métamorphoser et à se pervertir après avoir bu l’eau du Calice, il conserva cette pensée, et celle-ci se superposa aux volontés du Père des Pestes au lieu d’être dispersée. Tant est si bien qu’aujourd’hui encore il se croit à la fois au service de la Dame et du Pourri. Des Lépreux Chevaliers, c’est celui qui est en un sens le plus pathétique, car il est déchiré par ses deux objectifs, servir la Dame, et son nouveau maître. Ainsi, il a pris soin de s’offrir de nouvelles armoiries, dans le style traditionnel des autres chevaliers du Roi Louen, mais ornées du symbole de la mouche, tandis qu’il continue de se faire appeler Sire Énieul du Chêne.

Là où ses camarades semblent être ce qu’ils sont : des anciens chevaliers dont l’allure trahit le fait qu’ils ont renié la Dame, Sire Énieul est une parodie de chevalier : il ne semble pas avoir conscience de son dévoiement et de sa décrépitude, et se conduit comme tel : c’est le seul qui entretient encore de temps en temps son équipement, essayant de faire briller le métal sous la rouille, et rinçant à l’eau presque claire la boue immonde des tissus.

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