[Récit] Gérald du Bois Joli

Gérald fut un de ceux qui résistèrent le mieux à la corruption. Il mit longtemps à accepter le fait qu’il ne serait plus jamais le même, et sa volonté à résister était telle que son corps réussit à éviter la plupart des contagions, et des mutations que tentait de lui accorder Grand-Père.
Ce qui le perdit fut son rêve secret de posséder un jour un pégase… et puisqu’il semblait trop dur de faire changer le cavalier, son nouveau dieu décida de muter sa monture. Un beau matin de fin d’hiver, alors que des restes de neige et de givre crissaient sous les sabots des chevaux, Gérald sentit un soubresaut dans le corps de son destrier. Inquiet, il lui flatta l’encolure, et y sentit une proéminence dure. Tout au long de la matinée, celle-ci enfla peu à peu, et lorsqu’ils firent une pause, il en profita pour retirer le caparaçon et regarder de près cet intrigant phénomène. Il s’avéra que la peau de la bête était boursoufflée et craquelée juste derrière l’omoplate. Les gerçures en nombre impressionnant suintaient de sang et de lymphe. Ne sachant pas quoi faire, Gérald, déboussolé, essaye d’appliquer un onguent, mais lorsqu’il posa ses doigts sur la zone enflée, celle-ci éclata comme une vesse de loup trop mûre. Un petit tentacule noirâtre et visqueux en jaillit, tandis que le chevalier, effrayé, reculait de quelques pas. Au bout de quelques minutes, le tentacule avait doublé de longueur et de volume, et un second, plus petit, avait jaillit juste à côté. Sur l’épaule droite du destrier s’était produite la même chose, en parfaite symétrie.
Le soir, le présent de Grand-Père se révéla enfin, et quatre ailes semblables à celles d’une mouche monstrueuse avaient poussé. La pauvre bête ne comprenait guère ce qu’il se passait, mais Gérald, lui, avait parfaitement saisi. Même si celui-ci n’était pas aussi noble qu’il l’avait rêvé, il possédait enfin son pégase.

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